En Franche-Comté, on fait des horloges

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Embarquons dès à présent pour un voyage dans le temps, un périple au pays des montres, des horloges et des mécanismes. On ne part pas en Suisse, mais bien en France, dans la région berceau de l’horlogerie française : la Franche-Comté. Lors d’une visite au Musée du Temps à Besançon, j’ai eu une illumination : et si je te parlais de l’horlogerie comtoise ? En France aussi, on a une tradition horlogère et on produit des montres de qualité. Nos voisins suisses sont internationalement reconnus dans le domaine, cela ne fait aucun doute, mais la France a également su développer un savoir-faire reconnu en horlogerie, et ce depuis plusieurs siècles.
Alors aujourd’hui, je vais vous parler cadran et aiguilles, minutes et secondes, montres et horloges. Et pour nous lancer dans cette aventure du temps, pour arpenter les routes de l’horlogerie Made in France, partons à Besançon découvrir une tradition vieille de plus de six cents ans. L’occasion de revenir sur l’histoire cette folle épopée industrielle de Besançon et sur les monuments qui ont durablement marqué l’histoire horlogère de la ville. Entre palais et cathédrale, Besançon se raconte également au rythme des aiguilles, un savoir-faire aujourd’hui classé au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Unesco.

Circuit touristique de Besançon, sur les traces de l’horlogerie.

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LE MUSÉE DU TEMPS

Pour en apprendre davantage sur l’histoire de la ville, et notamment son histoire horlogère, le Musée du Temps est l’endroit qu’il faut visiter.

Tuiles vernissées du toit du Palais Granvelle.

Musée du Temps, Besançon.

Belle cour Renaissance du Palais Granvelle.

Entrée du Musée du Temps.

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LE PALAIS GRANVELLE, MÉMOIRE DE LA VILLE

Inauguré en 2002, le musée a posé ses valises dans un lieu emblématique de l’Histoire de Besançon : le Palais Granvelle, construit entre 1532 et 1540 pour Nicolas Perrenot de Granvelle, un Franc-Comtois devenu Garde des Sceaux de Charles Quint.
Extérieurement, le palais arbore une superbe toiture en tuiles vernissées mais aussi depuis une superbe cour carrée, assez sobre, bordée d’arcades. Intérieurement, on se plaît à observer les escaliers en pierre, les jolies voûtes, la grande cheminée d’époque, le vieux parquet ainsi que les magnifiques poutres en bois. Sur trois étages, le musée affiche des collections variées.
La visite est intéressante, plaisante et plutôt surprenante, on découvre plein de choses sur l’histoire de la ville et sur son passé horloger. Je recommande vivement ce musée si tu passes par Besançon.

Le Palais Granvelle, c’est aussi l’introduction de la Renaissance à Besançon. Dans une ville encore largement construite de maisons à pans de bois, ce grand palais de pierres et de sculptures devient le symbole du pouvoir, de la richesse, de l’influence et du succès de Nicolas de Granvelle. Besançon est choyée par Charles Quint qui lui octroie de nombreux privilèges et la construction de ce magnifique palais conforte les Bisontins dans leur attachement au Saint-Empire.

Les collections présentées au Musée du Temps sont donc variées avec d’une part une collection spécialisée sur l’horlogerie, rassemblée par le Musée des Beaux-Arts de Besançon depuis près de deux siècles (cadrans solaires, horloges comtoises, sabliers, montres et autres types de mécanismes), et d’autre part une collection de tableaux, de gravures ainsi que sept immenses tentures datant du 17e siècle représentant les grands moments du règne de Charles Quint.

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Deux Francs-Comtois proches conseillers de Charles Quint. À gauche : Portrait de Simon Renard de Bermont, Antonio Moro, 1560. À droite : Portrait de Nicolas Perrenot de Granvelle, Titien, XVIe siècle. Musée du Temps, Besançon.
Une des sept tentures du musée. Celle-ci représentant le couronnement de Charles Quint, empereur. Musée du Temps, Besançon.

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Le musée retrace l’histoire de la ville grâce à de superbes tableaux (dont un du Titien) et une impressionnante maquette de la cité fortifiée en 1722. Quant aux autres tableaux, ils évoquent eux aussi des moments de l’histoire comtoise et bisontine : deux tableaux représentant le Siège de Besançon en 1674 par les armées de Louis XIV, la Franche-Comté à Trois Époques, tableau anonyme de 1670 symbolisant l’attachement de la région au Saint-Empire, Halte de Chevaliers au Fort de Joux ou encore le Massacre des Francs-Comtois en 1636 par les mercenaires suédois aux ordres de Louis XIII.

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Zoom sur la maquette de la ville de Besançon au XVIIIe siècle.
Siège de Besançon, François Adam Van Der Mullen, XVIIIe siècle. Musée du Temps.
Siège de Besançon, Jean-Baptiste Martin des Bataille, XVIIIe siècle. Musée du Temps.
La Franche-Comté à trois Époques, anonyme. Musée du Temps. Personnages représentés : Maximilien Ier de Habsbourg, Charles Quint et Charles II d’Espagne. En arrière plan, la première citadelle de Besançon construite par les Espagnols à partir de 1668. Tableau peint entre les deux campagnes militaires de Louis XIV, probablement entre 1668 et 1674.
Massacre des Francs-Comtois en 1636, Musée du Temps.
Halte de Chevaliers au Fort de Joux, Musée du Temps

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HISTOIRE DE L’HORLOGERIE À BESANÇON

L’histoire horlogère dans la région naît grâce à la Suisse qui, au cours du 17ème siècle, commence à faire appel à la main d’œuvre franc-comtoise pour fabriquer les pièces détachées de leurs mécanismes. Le long de la frontière, dans ce qu’on appelle aujourd’hui le Pays Horloger, apparaissent petit à petit des ateliers d’assemblage. À Besançon, la production de pièces et l’assemblage de mécanismes horlogers sont aussi déjà bien présents mais n’est le fait que de petits ateliers artisanaux.

Mais c’est en 1793 que débute réellement la folle épopée de l’horlogerie comtoise et notamment bisontine.
Parmi les surnoms donnés à Besançon, on peut citer celui de “Capitale Française de l’Horlogerie” ou encore “Capitale du Temps”. C’est peu dire, l’histoire de Besançon à partir de la Révolution jusqu’à la fin des années 70 est durablement marquée par l’industrie horlogère.

Si ses activités avaient commencé dès le 17ème siècle, 1793 marque un véritable tournant. Cette année-là, un groupe d’horlogers suisses, chassés de leur pays pour leur soutien aux idées de la Révolution Française, trouve refuge à Besançon. L’arrivée des Suisses va insuffler un nouvel élan à l’horlogerie bisontine en transformant l’activité artisanale en véritable production industrielle.

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En 1793, c’est aussi l’ouverture à Besançon de la première Manufacture Française d’Horlogerie. On ouvre aussi une Ecole Municipale d’Horlogerie et le volume de production s’envole. Si les ateliers bisontins produisaient quelques 5 000 pièces en 1847, Besançon en produira 100 000 six ans plus tard, 200 000 en 1860 et atteindra même les 500 000 pièces en 1883. En 1872, d’après la Chambre de Commerce, Besançon contribue à près de 99% à la production française de montres et son activité représente 12% de la production mondiale.

En 1877, on disait que « C’est Besançon et la Franche-Comté qui donnent l’heure à la France ». Cela va se confirmer avec l’ouverture, l’année suivante, de l’Observatoire de Besançon. D’abord crée pour venir en soutien à l’industrie horlogère de la ville en assurant avant tout une mission de calcul du temps, il va très vite devenir une référence au niveau national voire européen. Aujourd’hui, il est un des trois organismes européens habilités à délivrer le titre de chronomètre mécanique et à certifier certains types de montres.

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Et Besançon, c’est aussi la célèbre usine Lip. Créée en 1867, la petite entreprise familiale va très vite devenir un géant français de l’industrie horlogère. L’usine contribue largement au rayonnement de la ville de Besançon dans le domaine. Dans les années 1920, la ville compte une centaines d’ateliers horlogers et jusqu’en 1960, deux montres sur trois portées en France étaient fabriquées à Besançon. Malheureusement, dans les années 70, la santé financière de l’entreprise la pousse à lancer des plans de licenciement. En 1974, plus de 100 000 personnes défilent dans les rues de Besançon, arrivant de partout en France et en Europe pour soutenir les employés Lip. On parle souvent de cette Marche des Lip comme du premier grand rassemblement social d’après 1968. Malgré les mesures, l’usine est contrainte au dépôt de bilan en 1977. Sa fermeture va être une catastrophe économique pour la ville qui perd une de ses plus grandes entreprises et pour ses employés qui quitteront Besançon pour trouver du travail ailleurs.

Pour tenter d’enrayer la fuite de ses artisans horlogers, Besançon va se renouveler dans ce qui est aujourd’hui son domaine de prédilection, directement issu de son savoir-faire en horlogerie. Aujourd’hui Besançon est devenu le pôle européen des microtechniques et le pôle mondial des temps fréquences.

Mais l’horlogerie comtoise n’est pas morte : Morteau a un des meilleurs lycées au monde dans l’enseignement des techniques horlogères et Besançon propose une des meilleures formations dans le domaine de l’horlogerie et des microtechniques. De nombreuses usines horlogères sont installées dans la région (Breitling, Herbelin, Pequignet, Lip…) et deux tiers des montres fabriquées en France sont toujours produites dans la région.

Et aujourd’hui, ce savoir-faire est reconnu à l’Unesco, sur la liste du Patrimoine Culturel et Immatériel.

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Pendule de Foucault, Besançon.

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Parmi les pièces maîtresses du musée, on peut citer la sphère astronomique d’Antide Janvier, un astronome et maître horloger jurassien, ou encore un pendule de Foucault. Situé dans la tour du palais et suspendu à la charpente du dôme, le pendule est haut de 13 mètres et sa table de lecture, au sol, a un diamètre de 4,50 mètres. Le pendule, prouvant la rotation de la Terre sur elle-même, a un cycle de 32 heures et 36 minutes.

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L’HORLOGE ASTRONOMIQUE DE BESANÇON

À quelques pas du Palais Granvelle se tient la cathédrale Saint-Jean de Besançon. Outre ses tableaux, ses chapelles, sa crypte où reposent les Comtes de Bourgogne… la pièce maîtresse de la cathédrale, c’est son horloge astronomique. Une première horloge astronomique a été installée par Bernardin, un horloger de Haute-Saône, en 1855. Mais son fonctionnement compliqué était aussi défectueux. En 1857, l’archevêque de Besançon demande à Auguste-Lucien Vérité, maître horloger de Beauvais, de concevoir une horloge astronomique pour la cathédrale Saint-Jean. Quelques éléments de l’horloge de Bernardin ont été intégrés à celle de Vérité avant d’être détruite.

Horloge astronomique de Besançon.

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L’horloge est composée de 30 000 pièces et présente non moins de 122 indications comme : heures, dates, saisons, heures des marées, solstice, heure solaire, signes du zodiaque, les éclipses, heures dans environ 20 endroits dans le monde, durée du jour et de la nuit… Pas moins de 57 cadrans la composent. En plus de toutes ces indications, cette horloge astronomique est également composée de mécanismes d’animations du système solaire, déclenchés en fonction de la date et de l’heure. À ce titre, elle est considérée comme un chef d’œuvre du genre.

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Détail de l’horloge astronomique.

Détail de l’horloge astronomique.

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PETIT POINT SUR L’HORLOGE COMTOISE

Je ne peux pas parler de l’industrie horlogère comtoise sans évoquer un des symboles de la région : l’horloge comtoise. Avant de devenir les capitales françaises de la lunetterie, les deux communes mitoyennes de Morbier et de Morez, dans le Haut-Jura (et oui, Morbier ne fait pas que du fromage…) étaient les reines incontestées de l’horloge comtoise, et ce depuis 1660.
Mais qu’est-ce que c’est, une horloge comtoise ?

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L’horloge comtoise, c’est une belle horloge dans un grand coffre en bois, simple ou richement décoré et sculpté. Appelées également “horloges de parquet”, elles ont longtemps été l’unique horloge du foyer, dans la plupart des fermes de France. Dans la maison, il y avait une seule horloge, et c’était généralement la Comtoise. Solide, résistante et peu onéreuse, elle a rapidement dépassé les frontières franc-comtoises. En 1850, la ville de Morez fabriquait plus de 100 000 horloges par an.

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Horloge comtoise dans son décor. Musée des Maisons Comtoises, Nancray.

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Aujourd’hui, trop imposantes, elles ne sont recherchées que par les amateurs et les collectionneurs (les plus anciennes étant les plus convoitées) et seule une poignée d’artisans passionnés continuent à faire vivre ce patrimoine en voie de disparition.

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POUR ALLER PLUS LOIN

Quelques adresses et suggestions pour rendre ta visite franc-comtoise sur le thème de l’horlogerie encore plus complète.

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À BESANÇON

Le Musée du Temps
96 Grande Rue – 25000 Besançon.
Fermé le lundi
Visiter le site internet

Horloge astronomique
Cathédrale Saint-Jean
Rue du Chapitre – 25000 Besançon
Voir le site de l’office du tourisme pour les horaires d’ouverture

Observatoire de Besançon
41 Avenue du l’Observatoire – 25000 Besançon
Visite uniquement avec l’Office du Tourisme

Utinam – Horlogerie Contemporaine
117 Grande Rue – 25000 Besançon
Visiter le site internet

DANS LE PAYS HORLOGER

Musée de l’Horlogerie
Château Pertusier
17 Rue de la Glapiney – 25500 Morteau
Un musée magnifique dans un vieux château.
Visiter le site internet

Musée de la Montre
5 Rue Pierre Bercot – 25130 Villers-le-Lac
Visiter le site internet

Visite d’un atelier d’horlogerie
Jean-Louis Fresard
13 Rue Jean Moulin – 25140 Charquemont
Plus d’info sur le site internet

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Je laisse le mot de la fin à l’ancien président de l’entreprise Festina :
« si je faisais du Champagne, je serais à Reims.
Je fais des montres, je dois être à Besançon
»

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35 COMMENTAIRES

  1. Je savais que Besançon était la capitale de l’horlogerie, maintenant la voilà capitale du Temps. En la visitant, j’étais tombé sous le charme de cette belle ville avec sa citadelle et son zoo. Une ville incontournable quand on vient dans le Jura. Je vois que je suis passée à côté de ce beau musée du Temps. Je note pour la prochaine fois, merci pour ce beau reportage.

    • Incontournable en effet 🙂
      Je vous conseille vivement la visite du musée la prochaine fois, personnellement je l’ai beaucoup apprécié.

  2. Dans le musée du temps, vu que j’y étais avec ma fille de 6 ans, je n’ai visité que les étages consacrés strictement au temps. Et c’était déjà passionnant. Mais surtout, nous y avons découvert une magnifique exposition temporaire (sur un illustrateur italien). Par contre je n’ai jamais visité la cathédrale car elle était fermée lors de mes deux passages (court et limités en temps à chaque fois).
    (et maintenant je file sur FB)

    • C’est vrai que les horaires pour l’horloge sont un peu compliqués parfois. Avant d’y aller, j’ai appelé pour m’assurer de l’ouverture 😉

  3. Sujet très original, j’avais entendu parler de l’horlogerie franc-comtoise (et de la comtoise) mais comme je ne connais absolument pas la région c’est une totale découverte pour moi ! Merci pour le partage, et pour le jeu !

  4. Belle découverte ! Je ne connais pas Besançon alors que je vais en Franche Comté assez régulièrement depuis 30 ans car j’y ai de la famille, et tu m’as vraiment donné envie de m’y arrêter.

  5. Coucou !
    Je ne connais pas du tout la région, pour moi l’horlogerie c’était la suite, alors qu’elle belle surprise !
    Et ce serait un rêve de voir le pendule de Foucault !
    Merci !

  6. Bon je dois avouer que les musées, c’est loin d’être mon truc, certaines copines de En France Aussi te le diront^^ Mais je note l’adresse car mon grand-père étant horloger, ca pourrait être une bonne occasion de lui rendre hommage 🙂

    • Pour être honnête je suis pas très musée non plus mais j’ai bien aimé celui-là. Et oui, pour connaître le métier de ton grand-père, ça peut être intéressant 😉

  7. Quel magnifique récit. J’aime beaucoup ta façon de nous faire voyager. (dans le temps et en Franche Comté).
    Comme toujours tes photos sont sublimes. Bon voilà maintenant je veux visiter ce musée et je veux une horloge dans ma maison.
    Merci Alexis tu nous as gâtés.

    • Merci beaucoup Sabrina, ton commentaire me fait vraiment plaisir !
      Pour l’horloge, peut-être que le Père Noël pourra t’aider ^^

  8. J’aime Besançon ! La ville a un patrimoine architectural et culturel incroyable. Petit, la citadelle me fascinait ! Merci pour ce magnifique reportage sur Besac. 🙂

  9. C’est impressionnant tous les détails techniques et toutes les fonctionnalités de l’horloge astronomique. Ah et les horloges comtoises, celles qu’on voit encore dans les maisons de nos grands-parents. Encombrant et rustique, je suis contente que ça soit passé de mode, lol.

  10. Sympa, j’aime bien le concept de musée du Temps ! Ca me fait penser à “Alice au pays des merveilles” et au lapin avec la montre 😉 Il vient peut-être de chez vous ? Merci pour cette découverte en tout cas !

    • Ah oui, j’avais jamais pensé mais maintenant que tu le dis, j’aurais bien vu le lapin au milieu des collections du musée ^^ Je ne pense pas qu’il vienne de chez nous, on l’aurait mangé avant la fin de l’histoire 🙂

  11. Je ne connaissais pas du tout, c’est super intéressant. J’espère que j’aurai l’occasion d’y aller. Merci pour cet article très complet.

  12. Maintenant que je suis allée à Morez et Morbier, j’ai très envie de voir le musée du temps… ton article m’a vraiment passionnée. Magnifique et fascinant

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